TERRE DES LEGENDES ET DES LUMIERES. Le célèbre et talentueux artiste musicien congolais, Michel Boyibanda, de son nom de spectacle « Vieux Bobo », s’est éteint, à 86 ans, le 9 octobre 2024, au Centre Hospitalier Universitaire de Brazzaville où il était admis, cinq jours auparavant. Il était souffrant.
L’annonce du décès de Michel Boyibanda a déclenché des émotions et des réactions intenses. Tellement il était apprécié et admiré de l’univers musical africain, particulièrement congolais. Des hommages rendus à l’artiste se sont multipliés sur les réseaux sociaux et dans des médias. Parents, proches, amis, confrères musiciens, connaissances et autres mélomanes qui avaient croisé sa route s’en sont fait l’écho. Des hommages, chacun selon sa sensibilité, sa culture, son rapport avec la musique, par des mots particuliers pour Michel Boyibanda.
Un Michel Boyibanda dont la carrière musicale a été si riche, avec des oeuvres qui tendent à forger, sur les deux rives du puissant fleuve Congo, une société qui peine toujours à se construire sur des valeurs qui grandissent et élèvent les Congolais, les mettant à l’abri d’une litanie de fléaux qui tirent leurs deux pays vers le bas. Avec son oreille sensible au rythme, Michel Boyibanda savait se renouveler et chercher de l’inspiration pour créer de nouveaux morceaux, ne trahissant jamais le style de sa chanson, toujours portée vers le civisme.
Le temps qu’à duré sa maladie, Michel Boyibanda avait toujours ses chansons les plus emblématiques sur les lèvres. Il n’arrêtait pas les fredonner. Dans le jardin secret de sa tête, un répertoire de titres non connus qu’il n’a jamais pu livrer au public, n’en ayant plus eu ni les moyens nécessaires, ni les aptitudes.
Figure majeure, parmi d’autres artistes musiciens des deux Congo, Michel Boyibanda se disait si fier de perpétuer son héritage musical dans des formations dont le chanteur auteur compositeur qu’il a été a fait, selon les périodes, les beaux jours. C’est le cas des orchestres Negro Band, Bantou de la Capitale, Ok Jazz, Les Trois Frères, Rumbayas, Ebuka Système. Une véritable migration d’orchestre à orchestre qu’aura effectuée Michel Boyibanda. Phénomène courant dans les milieux artistiques congolais. Michel Boyibanda s’était résolu de s’y faire pour deux deux motifs majeurs. D’abord, s’imprégner, sans complexe, des styles musicaux qui avaient cours, sur les deux rives du Congo. Ensuite, donner la preuve de sa facilité d’adaptation dans les orchestres, même étrangers, qu’il voulait bien intégrer.
Chanteur, auteur compositeur, Michel Boyibanda se distinguait également par son élégante, remuante et dansante gestuelle, sur scène, devant le micro. Faire de la musique était pour Michel Boyibanda une passion. Il s’était délesté des professions qu’il avait tentées d’exercer, au profit de la chanson. Les Présidents Marien Ngouabi, Jacques Joachim Yhombi Opango, Denis Sassou Nguesso, Omar Bongo Ondimba et Mobutu qui l’aimaient bien, ont dansé à sa musique.
Six jours avant le décès de Michel Boyibanda, Moutouari Kosmos, Simon Mangouani, son collègue de l’Orchestre Bantou de la Capitale et moi l’avions de justesse manqué à son domicile de Tala Ngai, sans nous rendre compte de son hospitalisation. Tous les trois, nous voudrions, en tête à tête, formuler à Michel Boyibanda notre solidarité et notre soutien. Je désirais, par ailleurs, pour ce qui me concerne, renouveler à Michel Boyibanda mon amitié, l’ayant fréquenté à un moment de ma vie par le biais de mes relations avec l’ancien Ministre congolais des Affaires Etrangères, M. Pierre Nzé, fils de la région de la Sangha, comme lui. Un rapprochement d’avec Michel Boyibanda dont, déjà, je trouvais déterminante pour sa carrière, sa stature internationale et le savoir-faire. En imposaient sa notoriété et la qualité de ses chansons dont je me procurais les disques qui resonnaient dans les bars dancings de Brazzaville, Pointe-Noire, Dolisie, Kinshasa, Yaoundé, Douala, Libreville et d’autres villes africaines.
A l’instar d’autres artistes, Michel Boyibanda cultivait l’humilité et le bon sens relationnel. A la fois, pour travailler avec d’autres confrères de l’orchestre, mais aussi pour être en contact avec le public qu’il tenait à conquérir pour garantir sa réputation et jouer la carte de l’artiste qui compte au sein des formations où il se produisait.
Que Michel Boyibanda repose en paix. Il nous aura léguer des chansons fétiches. Sont de celles-là, « Masuwa enani, Ma fille vient voir, Ameublement, Okomi na Mbemba, Nzete esolola na moto te, Ata na Yebi, Zando Ya Tipo Tipo, Selenga, Samba toko samba ». Des titres que nous écouterons à jamais et qui ne sont pas prêts de faner. Michel Boyibanda demeurant dans la mémoire des amateurs de la rumba, comme l’un des meilleurs chanteurs congolais dans la lignée des Moutouari Kosmos, Tabu Ley, Youlou Mabiala, Josky Kiambukuta, Pamelo Munka, Joseph Kabassele, Ndombe Opetum, Ntessa Dalienst, Locko Massengo, Théo Blaise Nkounkou, Nyboma, Nyanzi Gaulard, Sam Mangwana, Mbilia Bel, Moulamba Moujos, Edo Nganga, Célestin Nkouka, Simon Mangouani et autre Lambert Kababo. Des célébrités pour celles qui nous ont quittés que Michel Boyibanda rejoint, par sa disparition, là bas, à l’Eternel Infini.
A la famille de Michel Boyibanda, particulièrement Mme Boyibanda et ses enfants, j’exprime mes condoléances les plus attristées, en ces circonstances d’intense douleur pour elle, suite à la perte de Michel Boyibanda. Puisse Mme Boyibanda dont la forme suscite quelques inquiétudes recouvrer l’état de complet bien être physique, mental et social.
Que les artistes musiciens des deux Congo, trouvent ici ma solidarité agissante. Pour les Ministères de la Culture des deux Congo est venue l’occasion de magnifier l’imprescriptible obligation de la reconnaissance de la patrie à l’endroit de Michel Boyibanda. Et, il est devenu plus qu’urgent, pour la République du Congo, de penser à la création d’un Musée National. Seul outil, à même d’immortaliser, entre autres, les traces et les itinéraires, voire le patrimoine culturel de ces légendaires figures congolaises que sont les artistes qui, pour la plupart, dans l’oubli, disparaissent, les unes après les autres. Des artistes qui, au demeurant, ne laissent à la postérité, en dehors de quelques supports médiatiques, que des sépultures que les herbes envahissantes finissent par avaler, faute d’une politique rigoureuse d’entretien des cimetières publiques et privés.
Paris 11 octobre 2024
Par Ouabari Mariotti