DISPARITION. Partie de Brazzaville, souffrante, pour la France où elle avait été évacuée, pour des soins médicaux qui ne se sont pas avérés, au final concluants, Mme Louise Kanga nous a quittés, le 12 décembre 2024, à l’Hôpital de Gisors, commune française du Département de l’Eure, en Région Normandie.
Brillante Magistrate, je trouve Mme Louise Kanga, Membre de la Cour d’Appel de Brazzaville, lorsque je suis nommé au Ministère de la Justice, M. Pascal Lissouba, présidant aux destinées de la République du Congo.
Juriste de qualité, Mme Louise Kanga avait du bon sens, avec des capacités d’analyse et de synthèse. Consciente que son travail de Magistrate, de nature purement intellectuelle, a une incidence pratique immédiate puisque la règle qu’elle aura choisie sera concrètement appliquée par les parties qui devront s’y soumettre. Elle savait écouter et échanger. Etait dans une relation de dialogue et n’imposait pas sa manière de penser, portant une attention particulière aux parties. Tout ceci mis, bout à bout, Mme Louise Kanga était une Magistrate consciente, rigoureuse, disciplinée et digne, à la fois affable et courtoise, avec le goût du travail bien fait.
Au moment où s’en est allée la Magistrate Louise Kanga, elle aura vécu 77ans. Fille du Quartier Ouenzé, à Brazzaville, elle y a grandi, entourée de ses parents, ses frères et sœurs, à la rue Franceville. Commence ses études primaires à l’Ecole Catholique Immaculée Conception, le cycle secondaire au Collège Catholique Anne-Marie Javoueh. Un parcours qui fit naitre la foi en Dieu à la jeune fille Louise Kanga, d’autant que, sur les bancs de l’école, la pratique religieuse était quasiment une matière d’enseignement, et la présence aux cultes, un devoir pédagogique
En pleine adolescence, Louise Kanga obtient une bourse qui lui permet de poursuivre ses études secondaires en France. Après l’obtention de son Baccalauréat, elle s’oriente, d’abord, vers une filière spécialisée en Chimie. N’y trouvant pas son compte, malgré la richesse d’une matière qui s’intéresse à la composition de toutes les substances qui forment notre univers, à leurs propriétés et à leurs transformations, Louise Kanga abandonne cette option scientifique pour s’arrimer au Droit où elle franchit, avec succès, les étapes du cursus universitaire choisi.
Rentrée au Congo, au terme de ses études à l’Ecole Nationale de Magistrature, Louise Kanga intègre le Corps Judiciaire Congolais. Le Tribunal de Grande Instance de Pointe Noire où elle affectée, pour la première fois, comme Magistrate, l’accueille au rang de Juge d’Instruction et des Mineurs. Brazzaville sera sa deuxième ville de service, jusqu’à la fin de sa carrière de Magistrat, ayant siégé, au fil de temps, au Tribunal de Grande Instance, à la Cour D’Appel et à la Cour Suprême où elle est nommée, en 1998. Faisant partie des premières Femmes Congolaises à cette dernière juridiction, la plus haute de son pays, elle y mena sa mission avec rigueur et dévouement. Le travail minutieux de tous les dossiers, particulièrement les plus complexes, l’en a distinguée, jusqu’au moment où, en citoyenne loyale avec les lois et règlements, en vigueur, elle fait valoir ses droits à la retraite.
Femme Magistrate, Mme Louise Kanga était également Femme Politique. Au début des années 80, elle est élue, aux côtés de sa soeur Marie Henriette Bokilo, au Secrétariat Permanent de l’Union Révolutionnaire des Femmes du Congo (URFC). Poste qu’elle occupera, sans discontinuer, jusqu’aux assises de la Conférence Nationale, en 1991. L’allure, toujours fière, lorsqu’elle évoquait son combat pour l’émancipation et l’évolution des Droits des Femmes. Des Droits qui, pour Mme Louise Kanga, n’étaient que des Droits Humains. Des droits qui offrent le Droit de vivre libre de toute violence et discrimination, le Droit au meilleur état de santé physique et mentale, le Droit à l’éducation, le Droit à la propriété, le Droit de voter et le Droit à un salaire égal à l’homme pour la même profession.
Reconnue pour son penchant, voire son amour pour le social, Mme Louise Kanga ne manquait pas d’œuvrer, même dans l’ombre, en faveur des plus démunis. Attachant un intérêt particulier pour les enfants orphelins. A l’endroit de ceux-ci, elle estimait qu’il revenait aux pouvoirs publics de leur apporter du réconfort, les aider au plan matériel et leur donner confiance en l’avenir, leur permettre de croire en leurs rêves.
Mme Louise Kanga disparaissant, laisse six enfants et quinze petits fils. Tous inconsolables. Son Ministre de la Justice que j’aie été, je garde d’elle, le souvenir d’une Femme de caractère, à l’intelligence vive, l’esprit ouvert, de grande modestie, avec un sens élevé de l’amitié, de la générosité et une bravoure à toute épreuve.
Du programme des obsèques de Mme Louise Kanga, en France, il est prévu la levée du corps, le 27 janvier 2025, à la Chambre Mortuaire de l’Hôpital de Gisors. La dépouille devant être rapatriée, par le vol d’Air France Paris-Brazzaville, du 28 janvier 2025.
Puisse la famille de Mme Louise Kanga, particulièrement ses enfants, ses petits fils, autres parents, amis et connaissances, trouver ici, de ma part l’expression de mes condoléances les plus attristées, en ces moments de peine, pour eux. A la Communauté Judiciaire Congolaise, les Corps en poste, et ceux en cessation d’activité, pour cause de retraite ou autre raison sociale, je traduis ma solidarité.
Et, que là bas, à l’Eternel Infini, Mme Louise Kanga repose en paix.
Paris 25 janvier 2025
Ouabari Mariotti
Ancien Ministre de la Justice
République du Congo