RDC : Docteur Nico célébré 40 ans après comme « dieu » de la guitare solo (Arthur Kayumba)

DISPARITION. Les activités commémoratives se sont ouvertes à Kinshasa, capitale de la  République démocratique du Congo (RDC) pour célébrer le 40ème anniversaire de la disparition de Docteur Nico, l’un des pionniers de la rumba et une icône de la guitare solo, décédé le 22 septembre 1985 à l’âge de 46 ans, à l’hôpital St-Luc, en Belgique.

Surnommé  ‘’dieu de la guitare’’ à l’époque, son immense talent est aujourd’hui considéré par de nombreux musicologues, guitaristes et artistes du continent, comme un repère dans les classiques qui ont permis aux deux Congo ainsi qu’à  l’Afrique de s’identifier sur la scène internationale à travers la rumba.

Pour marquer cette continuité, Mme Liliane « Titi » Kasanda, la fille aînée de Nico, s’est consacrée sans relâche au cours des dernières années à un projet, en collaboration avec beaucoup d’ opérateurs culturels, pour perpétuer la mémoire de son défunt père.

Dans cette perspective, la plateforme « Planet Ilunga » organise des  concerts avec un jeune ensemble de la rumba congolaise sous la direction de Gabriel Wadigesila qui interprète les chansons intemporelles de Nico.

Le plus grand guitariste solo africain de tous les temps

Nico Kasanda a eu une maîtrise inégalée de son art à travers une ballade de guitare électrique dans une simulation avec le balafon traditionnel Luba,  dans la région du Kasaï au centre  de la RDC.

Après avoir posé les bases techniques de la guitare dans la musique congolaise dès 1953 (« Parafifi », « African-Jazz »), Kasanda a privilégié dans les années 60, l’amour du son.

« Cet amour du son conduira Nico Kasanda, au-delà de la chromatique conséquente à sa parfaite connaissance de l’amplificateur. Hier le son était personnel, un produit du guitariste, et pas de la console de mixage comme aujourd’hui à l’adoption de la guitare hawaïenne, puis à la simulation des d’instruments divers« , a indiqué le musicologue Audifax Bemba.

La genèse de la musique soukous, formulaire basée sur l’invention de l’arrangement de trois guitares à savoir, le solo alternant avec la guitare rythmique, est l’œuvre  de Docteur Nico et de son frère aîné Charles Mwamba connu sous le pseudonyme de Dechaud.

Ils ont créé ce prototype formulaire qui est devenu le formulaire de base de toute chanson soukous jusqu’à nos jours,  constituant ainsi  l »école de la guitare soukous », dont  la  performance a toujours été manifeste avec leur groupe « Africa Fiesta Sukisa ».

 nconnu du grand public à 14 ans, il s’est trouvé dans le choix de Joseph Kabasele, visionnaire impénitent, pour jouer la guitare solo du premier orchestre congolais créé en 1953.

C’est une guitare pleine d’audace et d’innovations. Un rosaire de morsure (ornements instrumentaux entre les chansons) qui suit une première, dans un jeu en pentatonique.

 » Cerise sur le gâteau, le Codage (passage final d’un morceau de musique ou d’un mouvement) est une partition solo que Nico Kasanda nous donne, comme s’il n’avait pas fini de nous le dire. Un jeu de guitare exécuté chez le médiateur, introduit ici pour la première fois dans la musique congolaise », a encore expliqué Audifax Bemba, ajoutant que « c’est l’apparition d’un solo moderne encore exécuté aujourd’hui ».

Nico et la guitare hawaïenne

Passionné de musique, toujours à la recherche d’une nouvelle invention sonore, Nico  émerveille la sono-sphère congolaise et africaine avec la chanson « Rochereau Pascal » de l’orchestre African-Fiesta  en 1964.

Le grand public découvre cette année-là la guitare hawaïenne.

Son adoption est le reflet d’une culture de guitare riche et diversifiée par laquelle il marque une ligne de démarcation nette, jamais franchie par aucun membre de sa corporation. Il reste l’aiguillon. En  signant plus tard avec l’orchestre African-Fiesta Sukisa « Nakéyi Abidjan » en 1969.

« Nico Kasanda offre au monde musical la plus belle ballade de guitare hawaïenne, tout genre musical confondu: blues, blues-rok, rock, country, folk et tutti quanti. Cette improvisation est la plus belle jamais exécutée (…) Avec son son envoûtant et son style de jeu unique, la guitare hawaïenne de docteur Nico Kasanda transporte les auditeurs dans un monde de rêverie et d’évasion« , a dit le musicologue.

Docteur Nico s’était consacré au son en  1960, mettant au point à l’occasion de la participation de l’African-Jazz à la Table Ronde de Bruxelles, un son nouveau de guitare.

« Par un subtil réglage né de son expérience et d’une connaissance approfondie de la guitare et de l’amplificateur en sa possession, il obtient l’approche du son de la guitare électrique émergeant dans la musique« , selon  Bemba.

Ainsi voit le jour le son Nico, fruit de recherches et du génie d’un guitariste sur du matériel rudimentaire. Une première pour la musique congolaise, mais pour le monde musical aussi, car ni West Montgomery, ni B.B. King, ni aucun guitariste de renommé ailleurs dans le monde n’avait amené la guitare de jazz, d’usage dans la musique congolaise moderne, à ce niveau de beauté de son.

D’abord expérimenté avec la chanson Kélya de Rochereau en 1959, ce son est confirmé en janvier 1960 par les enregistrements à Bruxelles du répertoire de la Table Ronde : Indépendance cha-cha,  Sophie ya motéma, Tosékana, Mérengué scoubidou, Nawéli boboto, Table Ronde.

Aussitôt le son Nico conquiert la phonosphère congolaise, s’imposant en son de référence, le graal que tous solistes de la musique congolaise moderne sans exception se doit d’acquérir. Certains d’entre eux se précipitent sur la guitare électrique, que lui-même n’adopte que bien plus tard, en 1964, dans l’orchestre African-Fiesta.

Toujours d’actualité et désormais intégré aux amplificateurs modernes ô combien sophistiqués, le son Nico fait plus que jamais office, à en oublier même son créateur. Il demeure le son de base de la musique congolaise moderne, son identité sonore. 

ACP

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